Ball Park Concepts - Une imagerie sportive implique-t-elle que l'art qui la sous-tend parle de sport ? A l'évidence, la réponse est négative si l'on considère l'oeuvre de Jacques Julien. Ici, le sport est plutôt tenu à distance ni illustration, ni métaphore, ni support d'une spéculation formelle. Mais signe d'une sorte de mélodie en creux, d'étrangeté qui résiste à sa fonction et révèle que l'art reste sans cesse à définir.
En exergue à la postface qu'il écrivit à Bartleby d'Herman Melville, Gilles Deleuze reprend la phrase de Proust (Contre Sainte-Beuve) : «Les beaux livres sont écrits dans une sorte de langue étrangère.» Cette langue étrangère, chez Jacques Julien, c'est l'univers formel du sport. C'est en effet dans le sport que l'artiste est allé chercher ce modèle inédit, si étranger aux référents habituels de l'art, en outre si éloigné de ses propres pratiques. Car il n'est pas question, chez Julien, d'aller puiser dans une quelconque passion privée de quoi alimenter sa pratique d'artiste. Bien au contraire, c'est à la qualité d'étrangeté du sport qu'il fait appel, à l'incongruité qu'induit la mise en présence de deux univers aussi dissemblables. A l'origine de l'engagement de l'artiste, il y a la peinture, ce non-dit autour duquel, depuis la fin des avant-gardes, rôdent les investi-gations et sur lequel viennent buter nombre de travaux. Plutôt que la question du quoi peindre, c'est la forme même de la peinture qui, à cette époque, retient Julien, ses dimen- sions, la surface qu'elle recouvre comme l'objet qu'elle peut constituer. Stella puis les minimalistes, Kelly, mais aussi, quoi d'étonnant, Morellet et sa manière oblique d'aborder la géométrie, de la doter de cette même étrangeté sur laquelle repose la facétie. Un ton. Entre burlesque et autodérision (...)
art press 255 mars 2000: extrait du texte de Jean-Marc Huitorel
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